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La fable
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Source : lafontaine.net
Les conseils pro de Jean DLF
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Un manager exemplaire
S'il est un domaine dans lequel Guillot se montre exemplaire, c'est dans la mise en place de procédures d'urgence :
- On le voit faire un retour d'expérience des mésaventures passées
- Il en identifie des solutions techniques ("tenir ferme")
- Il communique le plan d'action ('il harangua tout le troupeau")
- Il en vérifie l'appropriation ("ils lui promirent tous de ne bouger")
Face au problème, il déploie l'arsenal de ses outils pour progresser, bon point
Guillot n'est pas non plus mis en défaut dans ses capacités managériales.
Lorsqu'il décrit sa relation avec Robin Mouton, le plus prometteur du troupeau, tout y est :
- la vision ("m'aurait suivi jusques au bout du monde")
- la gratitude, exprimée par la rémunération ("pour un peu de pain")
- la reconnaissance en tant que personne, qui dépasse la seule performance - dans Rabelais, "Robin Mouton" est le champion du cheptel, célébré pour sa laine, sa viande, ses boyaux, son cuir à venir - et embrasse l'intellect avec ce partage autour de la musique :
"Hélas, de ma musette il entendait le son"
La mise en oeuvre de ces leviers distingue particulièrement la figure de Robin Mouton des "méchants soldats" qui composent le troupeau. Par son management, Guillot est parvenu à extirper son préposé de la masse du "peuple imbécile" ("imbécile a ici le sens de "faible") : il a développé son plein potentiel.
On a donc affaire à un manager qui coche désormais toutes les check-lists officielles.
Notre Guillot ne s'endort plus : il est dans l'action et suit les manuels.
Mais il échoue
Savoir faire
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D'abord, là où il y avait une relation personnelle avec Robin Mouton, Guillot s'adresse au groupe :
"Il harangua tout le troupeau,
Les chefs, la multitude et jusqu'au moindre agneau,
Puis, quand l'oraison funèbre s'étend sur de multiples détails, le propos de l'instruction au troupeau est des plus sommaires :
Les conjurant de tenir ferme :
Cela suffirait pour écarter les Loups."
> là où il apportait une vision, il se contente d'une procédure
> là où il gratifiait concrètement, il propose un bénéfice vague et collectif
> là où il en appelait à l'intelligence, il propose un dogme sans rationalité.
Dans ces conditions, l'adhésion de la troupe est limitée, et, en effet, "exemples" et "cris" ne feront rien à la débandade.
Émotions
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Pire, on a un Guillot qui se lamente de la situation, qui se montre sincèrement affecté, qui dispose de la solution et ne la déploie pas. Il y a comme une cécité, une perte de bon sens de la part du Berger. Dans la continuité du Loup devenu berger, il y un manque de prise de recul, un défaut de conscience dans la manière d'agir du Pasteur.
Parallèlement La Fontaine fait voyager Guillot sur le torrent des émotions.
Tour à tour se succèdent :
- La colère : Guillot réprimande contre "ce peuple imbécile"
- La tristesse : "m'ont laissé ravir notre pauvre Robin"
- La mélancolie : "Hélas ! (...) Ah le pauvre Robin Mouton"
- La détermination : "Il harangua tout le troupeau"
- La joie : "Guillot les crut, et leur fit fête."
- La peur : "au moindre danger, adieu tout leur courage"
Or notre Berger fait un usage diversifié de ces émotions : si la colère le met en mouvement, la tristesse et la mélancolie ne le poussent pas à analyser les facteurs clés de succès de sa relation avec Robin Mouton. De même sa détermination ne suffit pas à lui faire vérifier la validité de l'engagement des "soldats".
La Fontaine esquisse donc pour nous le potentiel à double tranchant des émotions. Comme souvent, puisque la solution n'est pas à la fin de la fable, il faut en remonter le cours :
- mal maîtrisées, les émotions peuvent conduire à l'erreur de comportement (la peur des moutons face à l'ombre, la joie de Guillot qui emporte la vérification de l'engagement du troupeau).
- écoutées, les émotions peuvent indiquer une performance / un état passés satisfaisants (la mélancolie) ou identifier un progrès à réaliser (la tristesse)
- bien utilisée, elles se transforment en un carburant pour aller plus loin (la colère)
Quand viennent les dangers, les bouleversements, les mutations, c'est donc potentiellement dans le registre des émotions que le fabuliste nous invite à rechercher la clé pour suppléer "l'exemple" et "les cris".
On imagine la puissance de ces énergies si elles pouvaient retenir la fuite des moutons : La Fontaine semble nous inviter à les apprivoiser.
La citation
“Il harangua tout le troupeau,
Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau,
les conjurant de tenir ferme."
Le Berger et son troupeau (IX, 19)
Un appel à la vigilance pour nos réunions, nos séminaires, nos "town hall meetings" où parfois, les formules toutes faites manquent d'émotion.
Tous droits réservés © Alexis Milcent pour LibriSphaera
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